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Nouvelles technologies, digitalisation, intelligence artificielle: le secteur à but non lucratif et la collecte de fonds peuvent-ils passer à côté de ces révolutions technologiques ? Cet article du Professeur Giuseppe Ugazio, Directeur du Behavioral Philanthropy Lab, hébergé par le Geneva Finance Research Institute (GFRI) de la Geneva School of Economics and Management (GSEM) de l’Université de Genève, nous plonge dans un future proche et explore quelques pistes entre intelligence artificielle et collecte de fonds.

1- Une approche pluridisciplinaire

La Chaire de philanthropie comportementale a été lancée en 2019 grâce à un partenariat public-privé entre les Fondations Edmond de Rothschild et l’Université de Genève. 

C’est dans ce contexte que j’ai commencé mes activités de recherche sur la philanthropie, au sens large, en étudiant les motivations qui poussent les gens à s’engager dans des causes sociales ainsi que les facteurs qui peuvent les affecter. L’approche de ce sujet est multidisciplinaire, nous utilisons des méthodes issues des sciences comportementales (y compris l’économie, les neurosciences et la psychologie) ainsi que des algorithmes informatiques appliqués aux big-data. 

Dans cette perspective, les questions typiques que nous posons sont les suivantes : 

  • comment différentes incitations motivent-elles les gens à donner ? 
  • les nouvelles technologies – telles que la réalité virtuelle (RV) – peuvent-elles contribuer à remodeler la façon dont les organisations envisagent la collecte de fonds, en particulier lorsqu’il s’agit d’attirer de jeunes donateurs ?

Sous ce dernier angle, nous avons construit une taxonomie du paysage philanthropique en Suisse en étudiant les domaines dans lesquels les organisations travaillent, et les motivations qui sous-tendent ces actions, en nous concentrant spécifiquement sur le rôle des émotions et des valeurs morales. À cette fin, nous utilisons le traitement du langage naturel, un outil faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) pour nous aider à identifier des modèles dans un vaste ensemble de données comprenant les statuts accessibles au public de toutes les organisations philanthropiques enregistrées en Suisse. L’utilisation d’un outil d’IA a éveillé notre curiosité et nous a poussés à chercher à savoir si le secteur philanthropique est conscient du potentiel de cette technologie pour soutenir ses stratégies et ses opérations, et donc si les organisations utilisent l’IA et comment. 

Cette recherche étant toujours en cours (à cette fin, nous avons également lancé une enquête disponible sur cette page), il sera intéressant de voir dans quelle mesure – le cas échéant – les organisations philanthropiques utilisent l’IA. Les résultats de cette enquête seront disponibles prochainement.

2- Quelle est la valeur ajoutée de l’IA pour le fundraising ?

En particulier, dans le domaine de la collecte de fonds, on peut penser à plusieurs applications de cette technologie

  • Elle peut être utilisée pour automatiser la création et la gestion des bases de données des donateurs, en veillant à ce que les informations recueillies soient complètes et exactes. Lorsqu’il est effectué manuellement, ce processus est sujet à plusieurs erreurs : par exemple, dans une base de données sur les donateurs que nous étudions avec une organisation partenaire, nous avons dû exclure plusieurs entrées de données car elles étaient incomplètes et/ou erronées.
  • De même, l’IA peut être utilisée pour analyser les données des donateurs et générer des informations exploitables par les collecteurs de fonds : quelles sont les causes pour lesquelles un donateur est plus susceptible d’être attiré ? Quels types de campagnes sont les plus efficaces pour un sujet donné ? Ce sont toutes des informations qui peuvent être utilisées pour informer une campagne de collecte de fonds.
  • En disposant d’informations sur qui donne et pour quelles raisons, les algorithmes d’IA peuvent également contribuer à développer des capacités prédictives qui aideraient les collecteurs de fonds à cibler des publics plus susceptibles d’être intéressés par le soutien de leurs causes.
  • Dans une optique plus interactive, l’une des applications les plus connues de l’IA est le chatbot, qui pourrait être utilisé par les organisations pour répondre aux questions des donateurs potentiels, par exemple en les guidant sur la façon de faire un don ou en les informant sur les programmes en cours qu’ils pourraient soutenir.
  • Enfin, à condition que des données soient collectées, les organisations peuvent utiliser l’IA pour analyser l’impact et l’efficacité de leurs campagnes et de leurs programmes, ce qui leur permet d’identifier des modèles (éclairant les points 2 et 3 ci-dessus) chez leurs donateurs et d’avoir une meilleure vue d’ensemble des domaines dans lesquels elles peuvent s’améliorer.

En résumé, l’IA a un énorme potentiel, largement inexploité, pour soutenir les organisations philanthropiques.

3- Les limites de l’IA

Cependant, il est important de garder à l’esprit que, comme toute technologie, l’IA comporte également des risques : tout d’abord, étant déployée sur des données numériques, elle comporte des risques liés à la cybersécurité, les bases de données de donateurs pourraient être volées ou modifiées ; ensuite, les outils basés sur l’IA sont connus pour être biaisés – exacerbant les biais que l’on trouve généralement chez les décideurs humains – ainsi, le développement de tels outils nécessite une attention particulière pour s’assurer que les biais sont contrôlés ou au moins que le développeur est conscient de leur présence. Enfin, l’IA est au centre de plusieurs débats éthiques. Le développement et l’utilisation d’outils d’IA exigent donc que l’utilisateur soit informé de ces débats et, selon nous, qu’il s’engage de manière proactive dans la promotion d’outils qui sont éthiques et inclusifs.


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