Sélectionner une page

Les organisations à but non lucratif qui disposent de bureaux nationaux gèrent souvent leurs activités de collecte de fonds depuis le siège de l’organisation. Pourtant, il peut être stratégiquement intéressant de se demander si ces activités ne pourraient pas justement être déployées à plus grande échelle via les bureaux locaux, voire même via les partenaires locaux. Une aventure certes délicate mais qui peut être un réel atout pour assurer la pérennité d’une mission. Dans cette interview, Stéphanie Simpson, professionnelle de la collecte de fonds, partage son expérience en la matière avec beaucoup de nuances et de discernement.

1- Stéphanie, peux-tu te présenter et nous donner un aperçu de tes rôles passés et actuel?

J’ai accumulé près de 27 ans d’expérience dans le monde professionnel. Au début de ma carrière, j’ai travaillé dans le secteur du commerce international, à la fois aux États-Unis et en France, avec une expérience significative au sein d’un grand groupe du secteur banque-assurance.

Plus tard, vers l’âge de 32 ans, j’ai fait un pivot majeur en orientant ma carrière vers le secteur caritatif. Au cours de ces années, j’ai eu l’opportunité de contribuer à plusieurs ONG et fondations, au total cinq à ce jour. Mes missions ont été variées, allant de la défense des droits de l’enfant, où le plaidoyer jouait un rôle central, à l’aide d’urgence, nécessitant une réactivité essentielle en période de conflits ou de catastrophes naturelles pour mobiliser des fonds.

Mon parcours professionnel m’a conduit à occuper des postes de direction dans les domaines de la communication et de la collecte de fonds. Au cours des six dernières années, j’ai davantage orienté mon travail vers la philanthropie.

2- Quels défis et risques peut-on rencontrer lorsqu’une organisation souhaite impliquer ses bureaux locaux ou nationaux dans les activités de collecte de fonds?

Lorsqu’une organisation souhaite mobiliser ses bureaux locaux ou nationaux dans des activités de collecte de fonds, plusieurs défis et risques doivent être pris en compte.

Tout d’abord, il est essentiel de reconnaître que tous les marchés ne sont pas égaux en termes de maturité du secteur caritatif. Dans certains pays, comme le Royaume-Uni, le secteur caritatif est très développé, avec de nombreux acteurs établis. Cela signifie que pénétrer un nouveau marché peut demander du temps et des ressources pour faire connaître sa cause et sa marque. Le développement de la collecte de fonds nécessite des investissements, et le retour sur investissement peut prendre un an ou plus pour s’équilibrer. Par conséquent, disposer de la trésorerie nécessaire pour traverser cette période est crucial. 

De plus, il est nécessaire d’adapter la stratégie de collecte de fonds en fonction des spécificités de chaque pays et des opportunités de partenariats locaux. Il est parfois plus judicieux de commencer par une stratégie axée sur les « grands donateurs », surtout si les bureaux locaux ne disposent pas des ressources nécessaires pour lancer des campagnes de marketing direct coûteuses. 

Les différences de compétences en collecte de fonds au sein des équipes locales peuvent entraîner des résultats inégaux d’un pays à l’autre. Contrairement aux entreprises commerciales, les ONG ne peuvent pas simplement créer des filiales, mais doivent plutôt établir des associations ou des fondations nationales avec leur propre conseil d’administration. Cette structure peut entraîner des défis juridiques, car la législation de certains pays peut limiter le transfert des fonds collectés vers le siège de l’ONG, obligeant les entités nationales à gérer directement les projets. En cas de désaccord, une entité locale peut même décider de se séparer du siège et de poursuivre ses propres missions sociales si elle en a les moyens. 

Un défi technologique se pose également, car de nombreuses petites structures locales ne sont pas équipées d’outils de gestion de la relation donateurs (CRM) ni des moyens pour mener des études de marché approfondies et l’analyse du fichier donateurs (ex : « Wealth screening » pour une stratégie grands donateurs). Ces outils sont essentiels pour mettre en place des stratégies telles que l’upgrade des dons, la collecte de dons réguliers, les legs, la philanthropie, etc. 

Enfin, les différences culturelles marquées entre les pays nécessitent une adaptation des équipes de communication et de marketing du siège pour chaque marché. Les campagnes de collecte de fonds conçues pour un marché spécifique ne fonctionneront pas nécessairement dans un autre pays sans adaptation en fonction des sensibilités locales.

3- Quels avantages vois-tu à impliquer ses bureaux locaux ou nationaux, voir même ses partenaires de terrain, dans les activités de collecte de fonds?

L’implication des bureaux locaux ou nationaux, voire des partenaires sur le terrain, dans les activités de collecte de fonds offre plusieurs avantages significatifs.

Tout d’abord, cela permet de diversifier les sources de financement, qu’il s’agisse de fonds institutionnels, de donateurs privés ou de legs. Cette diversification renforce la pérennité financière de l’organisation et contribue à accroître sa visibilité. 

De plus, cette approche facilite la mutualisation de certains aspects de la communication dans les pays partageant la même langue. Par exemple, les campagnes en allemand peuvent être coordonnées entre la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche, tandis que les campagnes en anglais peuvent cibler un public international. 

Un autre avantage réside dans la possibilité de partager les meilleures pratiques entre les différentes entités. Un bureau local ayant réussi à mettre en place une campagne de collecte de fonds innovante et rentable peut partager son expérience avec d’autres marchés, permettant ainsi à l’ensemble de l’organisation de tirer parti des idées efficaces.

4- D’après toi, quelles sont les bonnes pratiques à adopter, les points de vigilance, pour une organisation qui souhaiterait impliquer ses bureaux nationaux dans la collecte de fonds?

Pour réussir l’implication des bureaux nationaux dans la collecte de fonds, il est recommandé de mettre en place des processus internes solides, en particulier lorsqu’il s’agit de solliciter de grands donateurs. Cela inclut la personnalisation des appels de fonds, la fourniture de rapports de mission détaillés en fonction des fonds alloués, et la possibilité de répondre à d’éventuels audits financiers, en particulier pour les fonds institutionnels. 

La coordination internationale en amont, notamment lors de la prospection, est essentielle, en particulier pour les grandes organisations opérant dans plusieurs pays. De plus, la mise en place d’une procédure de « due diligence » pour vérifier les antécédents des prospects à contacter et pour définir les secteurs d’activité avec lesquels l’ONG ne souhaite pas collaborer est essentielle (ex : défense, tabac, alcool…). 

Il est important d’établir une communication fluide entre les équipes de terrain et le siège de l’ONG pour permettre une meilleure collaboration. Une « cellule intermédiaire » ou « support » peut jouer un rôle crucial en relayant les informations pertinentes entre les équipes programmatiques sur le terrain et les équipes de collecte de fonds. Ces agents doivent avoir une connaissance approfondie des programmes de l’ONG afin de rédiger des appels de fonds et des rapports de mission précis, adaptés aux besoins des collecteurs de fonds. 

Enfin, il est essentiel de s’entourer de professionnels qualifiés dans le domaine de la collecte de fonds. Des formations spécialisées et des « master classes » sont disponibles pour perfectionner les compétences en développement des ressources, en fonction des publics cibles et des canaux utilisés. Par exemple, des événements comme l’IFC 2024 proposent des opportunités de formation et de réseautage pour les professionnels du fundraising, offrant ainsi une plateforme pour acquérir de nouvelles compétences et rester à jour avec les meilleures pratiques du secteur. 

En résumé, mobiliser les bureaux nationaux pour booster et diversifier la collecte de fonds exige une planification minutieuse, une coordination internationale solide et une adaptation continue aux dynamiques spécifiques de chaque marché. 

Merci à Stéphanie Simpson pour son partage riche et éclairant !


Vous avez besoin d’autres conseils ou d’un accompagnement pour votre organisation ? Parlons-en !

Et pour rester informés des prochains articles, suivez-moi sur LinkedIn et inscrivez-vous à la newsletter.

Copyright © 2023 E | C Consulting – All Rights Reserved – Pour utiliser ce contenu, merci d’en demander préalablement l’autorisation et d’en citer la source en cas d’accord.